Comme les plus assidus d’entre vous ont pu le noter, le rythme de publication de ce blog s’est quelque peu ralenti dernièrement. Je tiens à rassurer celles et ceux qui s’en seraient inquiétés. Je n’ai pas abandonné le projet. Je me suis simplement concentré sur un autre projet important pour la suite : mon habilitation à diriger des recherches. Après moults péripéties (notamment administratives), celle-ci a été soutenu (avec succès) le 11 juin à l’Université de Strasbourg. Je le concède ce post arrive un peu tard après cette date. Même si dans mon domaine, les sciences de gestion, l’exercice est moins éprouvant que dans d’autres. J’ai eu besoin de souffler un peu, de réorganiser les choses en post partum.

Mais revenons sur l’habilitation, l’exercice consiste à prendre du recul sur son activité de recherche depuis la thèse et à se projeter dans l’avenir en temps que futur encadrant. Si la seconde partie peut s’avérer passionnante à rédiger, la première nous confronte à notre parcours. Elle nous amène à faire le compte de nos réussites et à revoir nos échecs. Cela expose aux regrets. Il faut gérer cela. Il faut formaliser les leçons qu’on a su tirer de notre parcours pour montrer que l’on a compris les arcanes du métier et que l’on y a pleinement notre place (en terminer avec le syndrome de l’imposteur, peut-être ?). En plus de cela, on est amené à relire de vieux manuscrits publiés, ou non, qui souffrent de nombreux défauts (écriture encore maladroite, méthodologies clairement perfectibles au regard des normes actuelles et des compétences acquises depuis…). Bref, il s’agit de faire le point à la fois théorique, épistémologique et, dans une certaine mesure, personnel de votre début de carrière. Même si les sujets traités sont ceux qui nous ont motivés depuis la thèse, cette partie m’a pris pas mal de temps et d’énergie. J’en tire une leçon pour les collègues qui envisagent une habilitation. Ne tardez pas trop. Plus vous attendrez plus cette partie sera difficile à rédiger. Présentez votre dossier d’habilitation dès que votre dossier apparaît suffisant.

Je l’ai soutenue tard, mais loin de mon université de rattachement, dans un laboratoire, qui accueille une équipe impressionnante de chercheurs dans les domaines de l’intermédiation financière et de la finance comportementale, le Large. J’y avais passé deux ans à la fin de ma thèse comme ATER. J’y avait été accueilli à l’époque par Michel Dietsch à Science Po Strasbourg sur la suggestion de Laurent Weill. C’est durant cette période que j’ai rencontré ma promotrice d’habilitation de la professeure Anaïs Hamelin. Elle m’avait à l’époque encouragé à boucler mon texte de thèse et même coaché pour certains entretiens quand il s’est agi de trouver un poste. Nous travaillons tous les deux en finance entrepreneuriale. Elle s’attache à comprendre les parcours de croissance des PME avec comme préoccupation centrale la question que l’on pourrait résumer à : pourquoi ne cherchent-elles pas toute à devenir des grandes entreprises ? Moi, je m’attache à comprendre comment s’établissent les conditions de financement des PME et quelles en sont les conséquences sur leurs comportements. J’ai lu ses travaux depuis leur début. Ils ont participé à construire certaines de mes réflexions. J’aime particulièrement un de ses premier papier : « Infuence of Family Ownership on Small Business Growth. Evidence from French SMEs » paru en 2013 dans le numéro 41(3) de Small Business Economics. Un des points de ce papier est que les PME familiales croissent moins que ce que leur autofinancement ne leur permettrait. Je ne pouvais trouver meilleure encadrante.

Pour le jury, les textes imposent un rapporteur interne à l’université où l’habilitation est soutenue et deux rapporteurs externes. A ce bloc d’évaluateurs, on peut ajouter différents invités qui, s’ils ont titre, seront suffragant. Le premier travail des rapporteurs est de statuer sur l’opportunité de la tenue de la soutenance au regard de la note rédigée qui doit leur être envoyée un peu moins de deux mois avant la date prévue pour cette dernière. Leurs avis sont transmis au président de l’université qui tranche. Le candidat est alors notifié et reçoit une copie des rapports. Ceux-ci motivent la décision des rapporteurs et donne des informations sur les questions qui pourraient être soulevées lors de la soutenance. Le second travail des rapporteurs consiste à interroger (cuisiner ?) le candidat le jour venu. Vous en doutez les avis étaient positifs et la soutenance s’est bien passé.

Nous nous sommes mis d’accord avec Anaïs Hamelin pour un jury de quatre personnes, les trois rapporteurs et un suffragant qui a fait œuvre de président. Comme pour une thèse, ce dernier anime les débats et est en charge de rédiger le rapport de soutenance. Le professeur Jean-Christophe Statnik de l’université de Lille a accepté de jouer ce rôle. Pour la petite histoire, Jean-Christophe a été le premier doctorant de mon directeur de thèse Frédéric Lobez. Nous partageons de fait un intérêt commun pour l’étude du crédit bancaire. C’est en écoutant leurs échanges experts que, jeune doctorant, je me suis intéressé à l’économie de l’information. Le rapporteur interne a été le professeur Christophe Godlewski qui s’est notamment fait spécialiste des crédits syndiqués (et des Sukuk, mais cela m’intéresse moins). Il est (entre autres) le co-auteur de deux articles utilisant les méthodes de l’analyse de réseau sociaux pour examiner des problématiques la formation de ces crédits dont je recommande la lecture (Godlewski et al, 2012 et Godlewski et Sanditov, 2024). Les rapporteurs externes ont été les professeur.es François Belot de l’université Paris Dauphine et Stéphanie Serve de l’université de Paris Est Créteil. Le François Belot s’attache à étudier les effets de la gouvernance des entreprises au regard des caractéristiques des dirigeants (Jaskewicz et al, 2024). Il anime un séminaire virtuel sur les entreprises familiales. Stéphanie Serve travaille plus directement en intermédiation financière. Elle s’est intéressée à la question de la multibancarité (Refait-Alexandre et Serve, 2020) et aux effets des évolutions notamment institutionnelles de la structure de l’offre bancaire sur le financement des PME. Je ne saurai que recommander la lecture des travaux des membres de mon jury.

Maintenant que j’ai obtenu l’habilitation, quelle est la suite ? Encadrer des travaux doctoraux, obtenir une promotion et trouver un poste de professeur des universités. Concernant le premier point, les choses se mettent en place. Jean-Christophe Statnik m’a proposé de co-encadrer une de ses doctorantes dont la thèse porte sur les thèmes de l’ESG et de la corruption. Nous avons commencé un travail dont je vous reparlerai sûrement. Il reste que je vais maintenant activement chercher des candidats au doctorat sur mes thèmes de prédilection. Pour ce qui est de la promotion et d’un éventuel poste de professeur, je vais me replonger dans les arcanes des procédures chères au ministère de l’enseignement supérieur en France. Je ne pense pas me lancer dans une année de concours pour obtenir l’agrégation du supérieur dans la mesure où cela m’amènerait sûrement à quitter Lille. Je ne sais pas si j’aurai l’énergie nécessaire. Mais, j’y réfléchis néanmoins.

Pour l’heure, il est temps de reprendre le blogging sur un format plus classique en continuant la série sur les graphes (qui devrait finir par se terminer on est à 24 types de graphes traités sur la cinquantaine prévue) et en commencer deux nouvelles séries consacrées respectivement à la finance comportementale et aux méthodes d’inférences causales de type Diff in Diff (pour commencer).